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Quand le peuple fait grève
Les embarras de M. Dupont, privé hier d’électricité, furent innombrables. Quand son réveil sonnait vers 6 heures du matin, M. Dupont, naturellement, cherchait l’interrupteur de sa lampe de chevet. Pas de lumière, se dit-il, oubliant la grève. Puis la mémoire lui revenant, mais non la lucidité, il voulait faire sa tasse de café. Il n’eut d’autre ressource que de chercher, caché au fond d’un placard, l’antique instrument qu’on tourne à la main. Cependant, il tenta à faire chauffer de l’eau: le gaz ne lui accordait qu’une flamme avare. Il était résolu à boire, en place de café, une tiède eau noirâtre, quand il pensa à se raser.
Comment se raser avec ce beau rasoir qui, lui aussi, se nourrit d’électricité? Il fallait de nouveau bouleverser le placard aux vieilleries, afin de récupérer le vieux blaireau, la lame ébréchée, qui ne pouvait remplir leur office parce que l’on eut jeté le tube de crème nécessaire à leur efficacité. Grondant et en retard, M. Dupont dévala son escalier.
Il se rua vers le métro. La grille en était fermée. Les autobus étaient pris d’assaut, on se battait autour des taxis.
Les automobilistes ne sachant pas où donner la tête, donnaient du klaxon pour apaiser leurs nerfs. M. Dupont s’en fut à pied à son bureau, qu’il trouva plongé dans une obscurité. Alors, il imagina les malheurs de tous les autres Dupont, et, se croyant au terme de ses peines, se prit à sourire.
Un coup de téléphone interrompit les imaginations de M. Dupont. Mme Dupont lui téléphonait: «Il faut que tu essaies de déjeuner au restaurant, disait une voix éplorée. Tu sais que le frigidaire est arrêté. Le gaz ne revient pas. Les boulangeries, dont le four était électrique, n’ont pas de pain...»